Les biens immobiliers appartenant aux familles originaires de Tunisie posent quelquefois des problèmes que nous n’avons jamais abordé ici : le nombre croissant d’héritiers.
Un immeuble ou un terrain au nom d’une personne ou d’un couple dans les années 1920/1940 a aujourd’hui en effet entre 15 et 50 propriétaires. La valeur du bien dépend de beaucoup d’éléments et notamment de son emplacement géographique. Les démarches qu’il faudra effectuer par les héritiers pour réunir les pièces d’état civil et notariées les découragent. Car lorsqu’il faudra diviser par le nombre d’héritiers le prix de vente du bien, il ne restera pas grand chose.
Et pour autant ces biens sont le plus souvent occupés par des familles tunisiennes qui souhaitent régulariser leur situation ne serait-ce que pour effectuer des travaux dans ces biens, faire des donations voire même les revendre.
J’ai ainsi une famille propriétaire d’un bien d’environ deux cent mètres carrés à Sousse, dont le nombre d’héritiers est de trente-deux. Peu ou pas en contact les uns avec les autres, la mise à jour du titre à leurs noms prendra du temps et nécessitera moult démarches.
Ils ne sont pas disposés à les effectuer et ne comprennent à vrai dire pas vraiment que cela bloque tout le monde. En fait ils s’en moquent mais font tout un cinéma pseudo sentimental autour de biens acquis par leurs arrières-grands-pères auxquels ils se disent attachés !!! Ce qui a posteriori justifie leur désir d’inaction à mettre « leur » bien à jour…
C’est ce qui s’appelle se moquer du monde !
On est dans ce cas en présence d’une impasse et plus les années passeront, plus on se trouvera confrontés à un grand nombre d’héritiers, et il deviendra un jour complètement impossible d’actualiser les titres et de les céder aux Tunisiens qui les occupent.
L’Etat tunisien risque d’être ipso facto contraint de solliciter des accords gouvernementaux avec la France et l’Italie pour reprendre la main sur ces biens. Et ce sera tout à fait logique.
Il y a eu par le passé des accords qui visaient les biens associatifs ou cultuels de l’Eglise catholique. En 1964, le nombre de ces biens étant important, l’Etat du Vatican (le Saint Siège) a signé avec le gouvernement tunisien un « modus vivendi » établissant la liste tout à fait exhaustive des biens que l’Eglise souhaitait conserver.
Il s’agissait essentiellement de lieux de cultes ou d’habitations pour les ministres du culte (prêtres et sœurs). Les autres biens dépendant d’associations de charité, d’écoles ou de terrains divers ont fait l’objet d’un transfert automatique vers l’Etat tunisien. Le plus curieux d’ailleurs à cet égard est qu’il existe plusieurs dizaines de ces biens disséminés dans tout le pays, et dont l’Etat tunisien semble ignorer qu’ils lui reviennent…
Ce type d’accord pourrait parfaitement être imaginé pour les biens dont les héritiers propriétaires ne peuvent ou ne veulent pas s’occuper. Ces biens pourraient faire l’objet d’un accord entre états , qui disposerait par exemple qu’ils seraient mis à disposition du gouvernement pour y construire des logements, des écoles ou des équipements utiles à la collectivité tunisienne. C’est un façon tout à fait honorable de sortir d’un tel dilemme.
Les biens associatifs ou relevant du culte Juif sont par un décret de 1958 automatiquement transférés à la Communauté Juive de Tunisie qui, lorsque c’est possible et que cela ne gène personne, les revend pour entretenir notamment la maison de retraite de La Goulette, ou d’autres petites structures.
On le voit bien dans les affaires de biens étrangers il faut éviter le manichéisme et voir les problèmes dans leur globalité. Les torts sont partagés, les responsabilités des uns (héritiers) et des autres (occupants) doivent être examinées objectivement.
Les héritiers de ces biens, s’ils sont nombreux, doivent s’unir pour effectuer les démarches d’actualisation et en partager les frais (fort peu élevés au demeurant). Il n’y a pas d’autre solution pour eux et il sera vain si un jour une solution globale est envisagée de les entendre geindre sur de « prétendues spoliations ».
En d’autres termes : se retrousser les manches pour régler ses affaires proprement, ou se taire !!